Dans une petite chapelle catholique de Lucerne, en Suisse, un projet avant-gardiste a exploré les liens entre la foi, la technologie et la quête spirituelle. Intitulé « Deus in Machina », ce projet a mis en scène une intelligence artificielle baptisée « IA Jésus », qui a interagi avec des visiteurs curieux de poser leurs questions sur des thèmes aussi variés que l’amour, l’existence de Dieu, ou encore les souffrances du monde.
Une expérience unique au cœur de la spiritualité moderne
Pendant deux mois, l’IA Jésus a accueilli des fidèles et des curieux, répondant à près de 900 questions anonymes dans plusieurs langues. Les visiteurs, âgés principalement de 40 à 70 ans, ont interrogé cette figure numérique sur des sujets profondément humains : le véritable amour, la vie après la mort, les guerres, les abus sexuels au sein de l’Église, ou encore le rôle de Dieu face aux épreuves de la vie.
Les réactions ont été variées. Environ deux tiers des participants ont rapporté avoir vécu une expérience spirituelle en interagissant avec l’IA. « J’ai été surpris, c’était si facile, et bien que ce soit une machine, elle m’a donné tant de conseils », a déclaré un visiteur. Ces témoignages montrent que l’expérience a su marquer les esprits, même si certains ont jugé les réponses trop générales ou comparables à des clichés.
Une technologie sophistiquée au service de la foi
Un des points forts de l’expérience était l’accessibilité de l’IA. Grâce à sa capacité de converser dans une centaine de langues, des touristes du monde entier, y compris des visiteurs chinois et vietnamiens, ont pu participer. Cette ouverture linguistique a renforcé l’universalité de l’initiative, tout en offrant un aperçu de l’impact global potentiel de telles expériences.
Sur le plan technique, l’expérience a utilisé des outils d’intelligence artificielle de pointe. L’avatar virtuel, conçu grâce à Heygen, un générateur vidéo basé sur l’IA, combinait des réponses générées par GPT-4o d’OpenAI et des capacités d’écoute développées grâce à Whisper, une solution open source. Philipp Haslbauer, spécialiste IT à la Haute École de Lucerne, a supervisé la mise en œuvre technique. Bien qu’aucune protection spécifique n’ait été mise en place contre les réponses controversées, Haslbauer a expliqué que GPT-4o avait montré une aptitude à répondre de manière appropriée aux sujets sensibles.
Un projet entre art et spiritualité
Selon Marco Schmid, théologien à l’origine de l’initiative, ce projet ne cherchait pas à remplacer les confessions religieuses ni à réduire le rôle des prêtres. « IA Jésus » était avant tout une œuvre artistique destinée à pousser à la réflexion sur le rapport entre le divin et le numérique. Il s’agissait également d’évaluer jusqu’à quel point l’humain peut placer sa confiance dans une machine, même lorsqu’il s’agit de spiritualité.
Les visiteurs étaient explicitement avertis de ne pas partager d’informations personnelles. Cela reflète une préoccupation éthique importante, visant à ne pas confondre cette expérience artistique avec une véritable confession religieuse.
Une tendance mondiale en expansion
Ce projet s’inscrit dans une vague mondiale d’initiatives visant à intégrer l’IA dans les pratiques religieuses. En Pologne, une « nanochapelle » équipée d’un assistant numérique a été inaugurée récemment, explorant des problématiques similaires.
Pour Marco Schmid, l’IA Jésus reste avant tout une expérience unique. Il a souligné que ce projet n’est pas destiné à se répéter : « Une seconde venue de l’IA Jésus n’est pas à l’ordre du jour. » Pourtant, cette initiative suscite des discussions sur l’avenir de la religion face aux avancées technologiques.