Dans un contexte où les changements climatiques deviennent de plus en plus pressants, une avancée majeure vient d’être réalisée grâce à l’intelligence artificielle (IA). En analysant des décennies de données météorologiques, des chercheurs ont utilisé un modèle d’IA appelé CRAI (Climate Reconstruction AI) pour reconstruire des extrêmes climatiques historiques en Europe. Ces travaux, publiés dans Nature Communications, mettent en lumière non seulement l’efficacité de l’IA, mais aussi son potentiel à révéler des événements climatiques inconnus.
Un volume massif de données climatiques
Les quelque 30 000 stations météorologiques à travers le monde enregistrent quotidiennement des données sur les températures, les précipitations et d’autres indicateurs. Ce gigantesque volume de données est utilisé par les climatologues pour calculer les températures globales et régionales, souvent relayées dans les actualités. Cependant, le traitement de ces données est loin d’être simple, en particulier lorsque des stations manquent de données historiques en raison de pannes, de départs de gardiens ou de zones géographiques mal couvertes, comme en Afrique ou aux pôles.
CRAI : un outil innovant pour combler les lacunes
L’équipe dirigée par Étienne Plésiat du German Climate Computing Center, avec des collaborateurs du Royaume-Uni et d’Espagne, a développé CRAI pour s’attaquer à ces lacunes. CRAI repose sur un réseau de neurones convolutifs de type U-Net, optimisé pour traiter les données incomplètes. Contrairement aux méthodes classiques comme le Kriging ou l’Inverse Distance Weighting, l’IA offre une précision accrue, notamment dans les zones où les stations sont peu nombreuses. Par exemple, elle réduit significativement les erreurs quadratiques moyennes, améliorant ainsi la fiabilité des reconstructions climatiques.
Une reconstruction précise des extrêmes climatiques
Le modèle CRAI a été testé sur des données européennes, où la densité des stations météorologiques est particulièrement élevée et remonte loin dans le passé. L’Europe possède d’ailleurs les plus anciens relevés climatiques au monde, comme la série mensuelle des températures de l’Angleterre centrale qui débute en 1659. CRAI a permis de reconstruire des journées et des nuits particulièrement chaudes ou froides, sur la base des indices climatiques de la base HadEX3 (1901-2018).
En appliquant CRAI, les chercheurs ont découvert des événements climatiques marquants comme une vague de froid en 1929 ou une vague de chaleur exceptionnelle en 1911 au Royaume-Uni, avec des températures atteignant 36,7 °C et une sécheresse prolongée. Ces événements, jusqu’ici connus principalement par des récits anecdotiques, sont désormais documentés grâce à l’IA.
Comparaisons avec des modèles de référence
Pour valider leurs résultats, les chercheurs ont comparé CRAI aux simulations historiques issues des modèles du CMIP6 (Coupled Model Intercomparison Project), qui intègrent des données atmosphériques et océaniques pour simuler les climats passés et futurs. Les performances de CRAI ont été évaluées à l’aide de métriques reconnues, comme l’erreur quadratique moyenne et le coefficient de corrélation de Spearman, qui mesure les relations non linéaires entre variables. CRAI a surpassé les méthodes traditionnelles dans plusieurs catégories, notamment les journées très chaudes (au-dessus du 90e percentile) et les nuits froides (en dessous du 10e percentile).
Un outil pour le futur
Les travaux montrent que l’IA peut non seulement améliorer la précision des reconstructions climatiques dans les régions bien documentées, mais également offrir une solution précieuse pour les zones où les données manquent. Les ensembles de données reconstitués par CRAI sont désormais accessibles à la communauté scientifique, contribuant ainsi à une meilleure compréhension des extrêmes climatiques et à l’élaboration de politiques d’adaptation.
Les chercheurs concluent : « Nos résultats démontrent l’importance d’appliquer cette approche à l’échelle mondiale ou à d’autres régions où les données sont rares. » Ils ajoutent que l’entraînement de modèles IA avec des volumes encore plus importants d’informations pourrait renforcer davantage leur précision et leur capacité à quantifier les incertitudes.
L’IA, un acteur clé face aux changements climatiques
Cette étude met en évidence le potentiel révolutionnaire de l’intelligence artificielle pour répondre à des questions environnementales complexes. Grâce à CRAI, des événements climatiques jusque-là inconnus sont dévoilés, offrant une perspective enrichie sur les extrêmes climatiques historiques et leur évolution à long terme. À mesure que le climat continue de changer, des outils comme CRAI joueront un rôle central dans la préparation aux défis climatiques à venir.
Sources :
- Détails sur le modèle CRAI :
- Événements climatiques spécifiques reconstitués :
- Comparaison des performances :
- Disponibilité des données reconstituées :