L’intelligence artificielle (IA) suscite un intérêt grandissant parmi les entreprises canadiennes. Pourtant, malgré cet enthousiasme, la transformation des idées en solutions concrètes reste un défi majeur. Ce phénomène, observé par des leaders technologiques et des experts, révèle des obstacles persistants qui freinent l’intégration rapide de cette technologie au sein des organisations.
Un engouement visible mais des résultats tardifs
Selon Nick Frosst, cofondateur de Cohere, une entreprise torontoise spécialisée en IA, le parcours entre la conception d’une stratégie en IA et sa mise en œuvre est souvent long et complexe. Lors d’une conférence à l’Université de Waterloo, il a expliqué que, bien que les entreprises expriment un vif intérêt pour l’IA, leur passage à l’action se heurte à de nombreux obstacles.
Nicole Janssen, cofondatrice de l’entreprise d’IA AltaML, basée à Edmonton, partage cet avis. Selon elle, il faut en moyenne 36 mois à une entreprise pour passer de l’élaboration d’une stratégie à l’utilisation effective de l’IA, un délai qui peut décourager les dirigeants en quête de résultats rapides.
Une adoption plus lente que dans d’autres pays
Une étude menée en janvier 2024 révèle que 37 % des grandes entreprises canadiennes (comptant plus de 1 000 employés) ont intégré des outils d’IA dans leurs opérations, contre 34 % en avril 2023. Bien que cette progression soit notable, elle reste en deçà de la moyenne mondiale, qui atteint 42 %. Ce décalage, comparé aux États-Unis et à plusieurs pays nordiques, met en lumière un retard dans l’adoption de ces technologies au Canada.
Les barrières à l’intégration de l’IA
Le manque de compétences spécialisées en IA est l’un des freins majeurs, affectant 41 % des entreprises canadiennes. Par ailleurs, la complexité des données et les coûts élevés liés à la mise en œuvre de ces solutions constituent d’autres obstacles, impactant respectivement 24 % des organisations. Ces défis techniques et financiers ralentissent la transformation numérique dans un pays pourtant reconnu pour son expertise en recherche et en développement dans le domaine de l’IA.
Une productivité en berne : un défi national
Les ralentissements dans l’adoption de l’IA ne sont pas sans conséquences économiques. Comme l’a souligné Nick Frosst, le Canada a enregistré cinq trimestres consécutifs de baisse du PIB réel par habitant, ce qui a alimenté les inquiétudes sur une éventuelle crise de productivité. L’introduction massive des modèles de langage (LLM), qui pourraient augmenter la productivité dans environ 20 % des professions basées sur le savoir, est présentée comme une solution pour contrer cette tendance.
Tiff Macklem, gouverneur de la Banque du Canada, a cependant averti que cette adoption rapide pourrait entraîner une pression inflationniste à court terme, la demande progressant plus rapidement que la productivité.
Les initiatives pour accélérer le rythme
En octobre 2024, le gouvernement fédéral a lancé l’Initiative régionale en intelligence artificielle (IRIA), un programme doté de 200 millions de dollars pour soutenir les petites et moyennes entreprises (PME) dans l’adoption de solutions d’IA. Cet effort vise à combler le retard du Canada face à ses concurrents internationaux.
Par ailleurs, les centres d’excellence comme le Vector Institute à Toronto et Mila à Montréal continuent de jouer un rôle clé dans le développement des talents et des innovations en IA. Ces initiatives, bien qu’essentielles, doivent être accompagnées d’une adoption accrue des technologies pour avoir un impact réel.
Un appel à l’action des leaders
Pour inverser la tendance, Nicole Janssen encourage les entreprises à agir rapidement. Elle suggère de fixer des objectifs concrets et à court terme, comme intégrer l’IA avant la fin de l’année, plutôt que de se contenter d’élaborer des stratégies sans échéance précise.
Les experts insistent également sur l’importance de ne pas gaspiller les fondations solides du Canada dans le domaine de l’IA. Bien que le pays ait été un précurseur dans cette technologie, il risque de perdre son avantage compétitif si les entreprises ne s’engagent pas davantage dans son adoption.
Sources
- IBM Newsroom Canada : https://canada.newsroom.ibm.com/2024-01-10-Canadian-businesses-saw-uptick-in-AI-Adoption-in-2023-vs-global-peers
- Gouvernement du Canada : https://www.canada.ca/en/innovation-science-economic-development/news/2024/10/federal-government-launches-programs-to-help-small-and-medium-sized-enterprises-adopt-and-adapt-artificial-intelligence-solutions.html
- Reuters : https://www.reuters.com/markets/bank-canada-ai-could-boost-inflationary-pressures-short-term-2024-09-20/